4 décembre 2023

Des indices à terme pour les CEE, pour quoi faire ?

L’administration a soumis au conseil supérieur de l’énergie du 26 novembre dernier un projet de décret pour élargir les indices publiés par EMMY aux indices à terme. EMMY ne publie actuellement que 2 types d’indices, pour les CEE classique ou précarité : un indice dit standard qui est la moyenne des prix de tous les CEE transférés de compte à compte pour un mois donné, et un indice SPOT, qui n’intègre que les transactions dont le contrat a été signé au cours du mois concerné et du précédent. Ces deux indices sont publiés au début du mois suivant.

A l’aube de la parution de ces nouveaux indices, C2E Market partage son expérience : quels enseignements tirer de l’évolution passée des indices EMMY? Qu’apporteraient les nouveaux indices ? Dans quelle mesure seraient-ils pertinents pour les acteurs du marché ?

 

Quels enseignements tirer de l’évolution passée des indices ?

 

indices standard Emmy C2E market

 

Si on se réfère aux indices dit standards d’EMMY, ils apparaissent en premier lieu totalement décorrélés du marché – très au-dessus de marché sur la période allant d’août 2021 à juillet 2022, pour être depuis quasiment tout le temps très au-dessous du marché. En second lieu, ils sont incohérents : les CEE précarité pouvant se substituer aux CEE Classique, le différentiel de prix entre les deux est toujours positif. Or, on observe que le niveau de l’indice CEE Classique d’EMMY est de temps à autre au-dessus de celui de l’indice Précarité.

En quoi est-ce un problème ? Cela renvoie à la finalité des indices. Les indices sont des outils de gestion des risques pour les différents acteurs du marché des CEE : par exemple, ils peuvent en amont servir de référence pour fixer le niveau des primes versées, et en aval servir à fixer les tarifs de vente de l’énergie au consommateur final. Si l’indice est trop haut par rapport au marché, cela veut dire que le producteur de CEE va perdre de l’argent, les primes versées étant trop élevées, pendant que les consommateurs finaux d’énergie paieront un prix trop élevé. S’il est trop bas, les primes versées ne seront pas compétitives, et les vendeurs d’énergie risquent de se retrouver à vendre à perte.

C’est pour cette raison que la commission de régulation de l’énergie (CRE) a spécifié les qualités d’un “bon” indice : il doit être transparent sur sa méthode de construction et réplicable, c’est-à-dire qu’on doit effectivement pouvoir trouver sur le marché un panier d’actifs à acheter ou à vendre pour un prix moyen proche de l’indice.

Or, les indices mensuels moyens EMMY agrègent les prix de transactions conclues dans le passé, à des périodes très différentes, qui sont exécutées au cours du mois précédant la publication de l’indice. Les dates des transactions intégrées à cet indice étant très diverses, il ne reflète pas le prix des CEE au moment de sa parution.

C’est pourquoi il a récemment été complété par l’indice Emmy SPOT, contribué par les acteurs de marché sur une base volontaire . Cet indice se réfère cette fois à des livraisons intervenues le mois précédent en exécution de contrats signés au maximum deux mois auparavant.

 

indices SPOT Emmy C2E Market

Ces contrats peuvent néanmoins avoir été négociés pendant plusieurs mois et se réfèrent donc en réalité à un prix de marché en vigueur des mois auparavant, ce qui explique que les prix SPOT Emmy suivent la même courbe que les indices C2E Market avec un décalage d’environ deux mois.

En effet, les indices SPOT C2E Market se réfèrent quant à eux aux transactions et offres fermes du mois concerné, prévoyant une livraison des CEE à très court terme – c’est-à-dire à horizon de la fin du mois suivant la transaction. Là où l’indice SPOT Emmy reflète les prix des C2E livrés dans le mois pour des contrats signés jusqu’à deux mois avant la livraison , celui de C2E Market reflète le prix de ceux livrés dans le mois et les 30 jours en cours pour des contrats signés dans le mois.

Les indices EMMY SPOT souffrent d’un autre défaut, relevé par la CRE dans sa décision sur la fixation des tarifs de gaz de référence qui est le fait que l’indice Emmy spot « recouvre des réalités contractuelles variées ». De ce fait, il n’est pas vraiment réplicable. La preuve en est qu’il lui arrive aussi d’être incohérent, avec un prix classique qui devient supérieur au prix précarité.

C’est la raison invoquée par la CRE pour avoir choisi les indices C2E Market – transparents et réplicables – plutôt que les indices EMMY pour le tarif de référence du gaz.

 

Mais alors, pourquoi des indices à terme?

L’intérêt des indices à terme est d’indiquer la valeur actuelle des CEE pour des livraisons à différentes échéances. Là encore, les acteurs ont besoin de valeurs fiables pour ces échéances futures : en amont, pour sécuriser le niveau des primes énergie soit les financements associés à des travaux qui n’ont pas encore débuté, en aval pour sécuriser des tarifs de vente de l’énergie garantis sur plusieurs années, notamment pour les ventes de gaz et d’électricité.

Le seul prix SPOT ne suffit pas, car la date de livraison des CEE a un fort impact sur le niveau de prix auquel ceux-ci s’échangent sur le marché secondaire. A titre d’exemple, on observe pour les offres et transactions du mois de novembre sur C2E Market, un écart de 40 centimes / MWhc entre les CEE précarité livrés dans le mois et ceux livrés au deuxième semestre 2025.

 

indices de prix CEE novembre

 

Le décret soumis au conseil supérieur de l’énergie fait suite à la demande de certains acteurs du marché d’étendre l’offre d’EMMY à ce type indice. On ne peut que se réjouir d’une telle demande de transparence, à laquelle C2E Market répond déjà depuis 3 ans, non seulement pour ses 41 adhérents, mais également pour les 3000 acteurs de marché qui suivent chaque mois ses indices mensuels à terme.

Quel serait la pertinence de ces nouveaux indices ?

Il y a un risque significatif que ces nouveaux indices EMMY ne répondent pas au cahier des charges fixés par la CRE.
En premier lieu, ils ne seraient pas transparents, du fait des incertitudes sur la date de fixation des prix : c’est la date de signature du contrat et non pas celle de la conclusion de la transaction qui ferait référence – or cette date est facilement manipulable et peut en effet avoir un impact non négligeable sur les prix (on a ainsi vu certaines transactions concernant de gros volumes être réintégrées à l’indice Emmy d’un mois donné à postériori, le faisant varier). Ceci est d’autant plus important que seuls les acheteurs déclareraient les transactions, n’ayant donc pas intérêt collectivement à rapporter trop rapidement des prix en hausse par exemple.

En second lieu, ils ne seraient pas vraiment réplicables, car souffrant du même défaut relevé par la CRE pour les indices SPOT : l’hétérogénéité des contrats par lesquels les transactions sont conclues. Ceux-ci étant très divers, les prix intégrés dans le calcul de l’indice recouvrent fatalement des situations très différentes. La standardisation des contrats est en effet essentielle pour avoir un prix fiable recouvrant une réalité précise.
Enfin, l’inclusion de transactions pluriannuelles à prix unique dans les indices annuels est un biais évident, puisqu’en résulte l’intégration d’un prix moyen sur plusieurs années de contrats à l’indice de chacune de ses années, gonflant mécaniquement l’indice sur les années où le coût du CEE est plus faible, et le diminuant sur les années où il est le plus important.

Ces nouveaux indices impliqueraient un effort important de tous les acteurs de marché, dérogeant au secret des affaires, puisqu’il leur faudrait divulguer l’ensemble de leurs transactions.

Dans le cadre d’une place de marché comme C2E Market, nous avons eu toute latitude pour mettre en place des indices exempts de ces biais, nos adhérents acceptant de se plier aux exigences qui permettent la formation d’un marché fiable et transparent.

 

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